"35 ans enfermé chez les paysagistes" ; ainsi débute, après un petit problème technique d'éclairage - il en fallait un! - l'exposé de Marc Rumelhart sur son enseignement à l'ENSP qu'il nous raconte, ou plutôt qu'il nous conte de façon humoristique et avec parfois beaucoup de nostalgie.
Un professeur n'est jamais formé, sa première fonction est : enseigner. Il se forme sur le tas (d'élèves) par l'écoute, l'échange et, surtout, la passion de transmettre. L'école est pour lui le "théâtre d'interventions pédagogiques".
L'outil sur lequel on travaille est le Végétal ("avec un grand V"), que nous devons apprendre à manier tel des "phytopeintres", des peintres de la nature, alliant formes, couleurs, textures etc. Mais, aussi, à entretenir car "rafraichir un végétal n'a rien à voir avec rafraichir un immeuble". Le jardinage est donc complémentaire à la conception, une "recherche expérimentale permanente", approfondie sans cesse par un travail sur le sol - les mains dans la terre! - et une redécouverte des méthodes culturales anciennes.
Après cette introduction, Marc Rumelhart nous a présenté différents "ateliers pédagogiques régionaux" réalisés depuis les années 2000. Ces ateliers ont pour but de réunir non seulement des élèves de l'école du Paysage, mais aussi des entreprises d'espaces verts, des artistes, des travailleurs en insertion etc. autour d'un site, en partenariat avec une collectivité, afin de composer avec l'existant et réaliser un micro-projet, simple et durable. De ce partage d'expériences naît un véritable échange social et professionnel qui permet de démultiplier les regards et interventions sur le site.
C'est l'exemple du "transformateur" (à Nicolas-le-Redon, en Loire-Atlantique) où sur un ancien site industriel a eu lieu l'un des premiers ateliers pédagogiques régionaux. La règle ? Rien ne doit rentrer ni sortir du site, il faut "apprivoiser le déchet en le rangeant" selon Marc Rumelhart : tout peut être réutiliser : des vieux racks de rangement pour créer des étagères végétales, aux rondins de bois réutilisés pour des escaliers. "Rien ne se perd rien ne se crée tout se transforme" aimait à dire Lavoisier.
Il insiste également, sur un juste équilibre entre travail sur le terrain (relevés dans un premier temps, puis réalisations dans un second temps) et travail "à la table" (dessin, mise en propre, plans).
Avec l'exemple d'Epinay-sur-Seine, il s'agira du droit à l'erreur : "conduire le végétal, le droit à l'erreur". En cela, ces ateliers sont à la fois projets, mais aussi processus expérimentaux, qui ne sont pas figés dans le temps, car le végétal est soumis au rythme du temps et des saisons et n'évolue pas toujours comme on le souhaiterai. Il a alors insisté sur l'entretien et la redécouverte des techniques de tailles anciennes (conduite des saules en têtard par exemple) : "on tape [taille] sur le végétal depuis des millénaires, et cela a toujours marché".
Les problématiques des ces ateliers sont nombreuses : enjeux sociaux pour une réappropriation du terrain par les habitants, ou encore dépollution des sols : "Le paysagiste est souvent appelé sur des terrains ingrats. Je n'ai jamais autant fréquenté les décharges" nous confie le paysagiste.
Après son exposé, quelques questions ici et là. Faisant suite aux exemples des ateliers où tout doit être réutilisé, la question du prix du paysage a été soulevée. Le paysage vaut-il cher (dans un contexte économique difficile) ? La qualité esthétique et l'attractivité que procure le paysage peut-il en faire oublier ses coûts et "rentabiliser le paysage" ?
Le débat se clôt sur le fait de bien différencier l'investissement pour améliorer le paysage (qualitatif), de sa gestion (quantitatif), les financements pour cette dernière étant souvent plus difficiles à trouver.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire